Lorsque l’on parle de souliers on s’intéresse très souvent à la qualité du cuir de la tige. On va aussi faire attention au montage de nos souliers: Goodyear, Norvégien, …
Par contre nous sommes beaucoup moins nombreux à prêter attention aux semelles. On se contente, en général, de choisir la matière de celles-ci en fonction de l’usage que l’on prévoit de faire des chaussures.
Pour caricaturer:
- des semelles en cuir pour la ville
- des semelles en caoutchouc / gomme pour des chaussures plus décontractées
Pourtant vu le prix d’un ressemelage le sujet est important et très intéressant !
Comme les autres cuirs, celui utilisé pour la semelle peut être de plus ou moins bonne qualité.
Par ailleurs sa fabrication et son entretien ne sont pas identiques aux cuirs utilisés pour la tige de nos chaussures.
Note: si vous voulez en savoir plus sur ce sujet je vous invite à lire ces deux articles:
comment fabrique-t-on du cuir ? Et, comment reconnaître un cuir de qualité ?
Dans cet article je vais m’intéresser aux semelles en cuir:
- comment fabrique-t-on le cuir des semelles ?
- comment protéger des semelles en cuir ?
- Faut-il attendre avant de faire poser des fers et patins ?
- Est-il possible de faire durer des semelles en cuir sans protection ?
- etc.
Bref,
Je vais tenter de répondre à toutes les questions que vous pouvez vous poser sur vos semelles en cuir. Alors je sais, sur notre site, il y a déjà une page vous expliquant comment entretenir les semelles en cuir.
Cette page est, volontairement, assez courte.
Elle va à l’essentiel en vous recommandant la pose de fers et de patins.
Note: si vous cherchez un bon artisan pour faire ces travaux je vous conseille de consulter notre carte des meilleurs cordonniers de France
Je voulais profiter d’un article complet pour parler des semelles en cuir plus en détails.
Qu’en dites vous?
Sommaire
Fabrication des semelles en cuir
J’enfonce des portes ouvertes en écrivant que:
le cuir à semelles n’est pas le même que le cuir de la tige
Oui, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Pourtant, pour les semelles c’est aussi du cuir de bovins qui est utilisé (du cuir de vachette pour être précis).
Pourquoi ?
Le cuir de vachette va être, naturellement, plus épais et plus rigide qu’un cuir de veau ou de chèvre. Il est très important d’avoir une peau la plus homogène possible avec une forte densité de fibres.
C’est pour cela qu’on privilégie le croupon (ie la meilleure partie) de la peau pour la fabrication de semelles en cuir.
Mais, car oui, il y a un mais…
Il y a deux différences notables dans la fabrication du cuir à semelles:
- le type de tannage et sa durée
- Le battage et le cylindrage
Le but étant d’obtenir un cuir épais et très dense on a recours ici au tannage végétal.
C’est un procédé lent : 4 à 6 mois minimum et jusqu’à 12 à 16 mois (voire 24 dans certains cas) pour un tannage extra-lent.
Note: Le cuir de nos semelles a été tanné au minimum pendant 12 mois afin d’offrir une parfaite imperméabilité et une meilleure résistance à l’abrasion.
La peau va, tout au long du processus, passer dans une série de cuves (appelées dans ce cas brasseries) contenants des solutions de tanins végétaux de plus en plus concentrées.
Note: il y a ensuite les étapes de refaisages et de mises en fosses que je ne détaille pas ici. Elles consistent à étaler les peaux les unes sur les autres avec des couches d’agents tannants. Ces opérations sont renouvelées plusieurs fois et durent, elles aussi, très longtemps. Bien évidemment comme pour le cuir de la tige il y a ensuite les opérations de corroyage et de finition.
La durée du tannage est un compromis délicat :
- plus le cuir passe du temps dans les cuves plus il sera résistant
- il sera aussi beaucoup plus rigide ce qui n’est pas l’idéal pour le confort
On en revient donc à cette idée que j’exprimais dans mon article « chaussures et confort » :
si dès l’essayage vous sentez une grande souplesse (aussi bien dans le cuir à dessus que le cuir de la semelle) et donc un grand confort ce n’est pas forcément bon signe.
Note: vous imaginez bien qu’un cuir qui passe 12 mois dans des brasseries ne sera pas vendu le même prix qu’un cuir à tannage végétal ultra rapide (48h).
Les opérations de cylindrage et de battage.
Ces opérations, qui ne sont appliquées qu’aux cuirs à semelles, sont l’autre grosse différence avec le cuir de la tige. Le cylindrage consiste à un tassement horizontale des fibres (le cuir est compressé par un cylindre qui lui roule dessus)
Le battage est une compression verticale qui vient augmenter la résistance mais aussi la rigidité du cuir. C’est un savant dosage entre ces deux opérations qui va permettre d’obtenir un cuir qui soit à la fois résistant mais pas trop rigide.
Faut-il faire les semelles en cuir avant de les protéger ?
La voila LA grande question !
Et la réponse est : …
Oui … ou non…
Je sais vous attendiez à une réponse claire et tranchée. Mais c’est impossible. Les deux cas de figures ont des arguments qui se défendent. Personnellement j’ai essayé les deux et je n’ai pas constaté de différences.
Sans être une règle absolue j’ai constaté que:
- les fabricants de chaussures vous conseillent une dizaine de ports avant de mettre des patins et fers
- les cordonniers vous conseillent de les protéger immédiatement
Permettez-moi de développer les arguments mis en avant par les deux camps :
Oui, c’est indispensable d’attendre avant de protéger les semelles en cuir ! Ici, le principal argument est que cela va permettre au cuir de prendre l’empreinte de votre pied.
D’autres abondent dans le même sens en soulignant que cela permettra à la semelle d’acquérir sa souplesse.
Enfin certaines personnes disent que la pose de patins immédiatement sera responsable de l’apparition de mauvais plis d’aisance sur le cuir de vos chaussures
Note: j’ai écrit un article sur les plis d’aisance du cuir afin d’expliquer les causes des plis sur vos chaussures
et…
C’est tout !
Alors oui certains diront qu’ils ont entendu que cela facilite la pose du patin et une meilleure tenue de ce dernier dans le temps.
De la bouche de plusieurs cordonniers : c’est complètement faux ! (c’est même plutôt l’opposé)
Cela nous amène donc aux arguments du second camp:
Non, il faut faire poser des patins immédiatement !
Pas beaucoup plus d’arguments de ce côté mais, selon moi, ils sont plus acceptables :
- un patin de faible épaisseur, « en crêpe » (un caoutchouc souple en réalité par opposition au Patin Topy Elysée qui est plus rigide) ne vous empêchera pas de faire le cuir de la semelle à vos pieds.
- Dans tous les cas (sur une semelle neuve ou usagée) le cordonnier doit préparer (lisser, égaliser, nettoyer, etc.) la surface sur laquelle il va fixer le patin.
Ce travail est bien plus simple sur une semelle neuve.
Note: certains cordonniers facturent d’ailleurs plus chère la pose de patins sur des semelles usagées. - Si vous êtes sur un montage qui n’est pas sous gravure (ie la couture de la semelle est apparente) alors il y a de fortes chances que vous abîmiez cette couture.
Dans ce cas le cordonnier devra la reprendre et la on passe à un autre niveau pour le coût de réparation. - Si vous avez trop usé le cuir de la semelle le cordonnier devra alors « remettre le tout au niveau.
Cela risque donc de vous coûter plus cher.
Note : c’est, le plus souvent, au niveau du bout qu’il faut faire ce travail. On parle alors de redresse en cuir. - Le cuir ça glisse : les premiers ports avec des semelles en cuir s’apparente plus à du patinage qu’autre chose.
Un patin évitera ce genre de désagréments.
S’il m’arrive d’attendre quelques ports avant de faire poser des patins c’est simplement que je veux porter mes nouvelles chaussures immédiatement. Rien de plus. Désormais vous savez tout et vous ferez poser des patins quand bon vous semble !
ATTENTION
Pour la pose de fers, là, ça va dépendre de votre démarche. Bien sûr, la qualité du cuir joue. Mais dans ce cas c’est surtout notre façon de marcher. Certains usent beaucoup l’avant des semelles, d’autres moins.
Que voulez-vous, c’est comme cela nous ne sommes pas tous égaux !
Si vous êtes dans le premier cas alors vous n’avez pas le choix. Vous devez faire poser des fers (personnellement j’ai une préférence pour ceux qui sont encastrés et vissés – avec vis en laiton) sur vos semelles en cuir.
Si vous ne le faîtes pas c’est l’assurance d’un ressemelage prématuré (comptez 120€ minimum).
A vous de voir !
Comment entretenir des semelles en cuir ?
Ce que vous aimez c’est l’agréable sensation de marcher sur des semelles en cuir ? Comme je vous comprends ! Il y a quelques paires sur lesquelles je n’ai, volontairement, pas fait poser de patins.
Le problème est que le cuir des semelles s’use. Et, au prix du ressemelage, le plaisir peut vite coûter cher.
La question est donc la suivante:
Est-il possible de conserver des semelles en cuir longtemps sans patins ?
Alors il y a quelques règles simples à appliquer pour faire durer des semelles en cuir non protégées. Évitez autant que possible de marcher sous la pluie. L’eau ramollit le cuir.
Sans vous faire un dessin vous comprenez qu’un cuir ramolli va s’user beaucoup plus vite.
Si cela vous arrive pensez à bien laisser le temps à vos semelles (et à vos chaussures qui auront aussi prises l’eau) de sécher.
Achetez des chaussures de qualité
Comme je vous l’expliquais au début de cet article le cuir utilisé pour les semelles est de plus ou moins bonne qualité. Sur une bonne paire de chaussures la semelle en cuir sera réalisée dans un excellent croupon, à tannage extra-lent, pour une meilleure résistance à l’abrasion.
Avoir au moins une dizaine de paires. Oui je sais c’est beaucoup. Mais avec une dizaine de paires vous allez avoir une rotation importante de vos souliers.
Dans ce cas, le cuir des semelles aura le temps de bien sécher et de se reposer avant d’être à nouveau mis au contact de l’agressif bitume ou, pire encore, des pavés !
Note: sachez que la moquette, contrairement à ce qu’on pense, est très agressive pour le cuir des semelles.
Si vous n’avez que 2 ou 3 paires: faites poser des patins. C’est ce qu’il y a de mieux !
» C’est bien gentil tout cela mais je ne sais toujours pas comment entretenir mes semelles en cuir «
Et pourtant, avec un peu de bon sens la réponse est sous votre nez :
une semelle en cuir est… en cuir. Donc elle s’entretient comme… du cuir !
Simple non ? Alors vous n’êtes pas obligés de crémer vos semelles aussi fréquemment que le cuir de la tige (encore que cela ne leur fera pas de mal).
Mais de temps à autre pensez à passer un peu de crème (ou au pire du lait nettoyant) afin de bien nourrir et hydrater le cuir pour éviter qu’il soit trop sec. Cela ne vous prendre que quelques minutes de plus lors de l’entretien de vos chaussures.
Personnellement je fais une petite chose en plus. La encore certains remettent en cause les bienfaits de cette pratique mais je suis très content du résultat.
Une à deux fois par an (ou juste après une journée de grosse pluie) je graisse mes semelles. On m’a parlé d’une autre technique. Même si je ne l’ai pas (encore) essayée je trouve qu’elle a du sens. Donc je la partage avec vous :
Mettre de la cire d’abeille sur vos semelles.
Cela me semble une bonne idée car :
La cire va former une fine couche protectrice sur les semelles qui partira au bout de quelques ports. C’est à dire au moment où il faudra à nouveau crémer vos chaussures donc vous pourrez aussi en profiter pour cirer vos semelles et reformer la couche protectrice.
En 2016 Saphir a développé un nouveau produit : l’huile Sole Guard. Elle permet de nourrir, assouplir, imperméabiliser et ralentir l’usure de vos semelles en cuir.
Si vous avez des questions, des anecdotes ou encore des techniques pour faire durer vos semelles en cuir le plus longtemps possible partagez les avec nous dans les commentaires.
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