Étant un des éléments déterminants de la qualité d’une paire de chaussures il st normal de se pencher sur la fabrication du cuir.
Bien évidemment ce n’est pas le seul, bien évidemment.
Mais sans un bon cuir, même avec toute la bonne volonté du monde, vos chaussures ne dureront pas bien longtemps.
Autant reconnaître un bon montage ou une belle couture est relativement simple, autant reconnaître un bon cuir est bien plus subtil et complexe.
Il n’y a pas de test miracle, pas de réponse claire, nette et précise.
Je ne prétends pas être un expert mais comme j’ai passé pas mal de temps dans les ateliers et tanneries où j’ai pu discuter avec des professionnels du secteur je vais tenter de vous donner quelques pistes.
Sommaire
J’ai rédigé une check-list qui détaille les 10 points à contrôler, dans un pdf gratuit, pour reconnaître un cuir de qualité (qu’il soit végétal ou non).
Elle tient sur une page que vous pouvez télécharger ici. Comme ça vous pourrez vous assurer que la paire qui vous fait de l’œil est fabriquée avec un bon cuir de qualité.
Dans cette première partie nous allons nous intéresser à la fabrication du cuir qui conditionne sa qualité.
Avant-propos: pour cette première partie je me suis appuyé sur le livre du CTC (Centre Technique du Cuir), « le cuir dans tous ses états » que vous pouvez vous procurer ici. Très bien fait et agrémenté d’échantillons c’est un livre très intéressant pour ceux qui souhaitent en savoir plus.
Un soir, autour d’un verre, j’avais une discussion avec un ami sur les chaussures et la maroquinerie (notamment les ceintures en cuir)
Il était convaincu qu’un cuir de qualité devait être lisse et brillant.
Sous-entendu tous les autres cuirs sont moins bons.
Quand j’ai vu comment cette idée était ancrée dans sa tête je me suis dis qu’il ne devait pas être le seul.
A grands renforts de campagnes marketing certaines marques avaient réussi à lui faire croire n’importe quoi.
Je sais que cet article n’aura que bien peu de poids face à ces mastodontes.
Mais il a le mérite d’être là et de permettre à ceux qui le souhaitent d’en savoir davantage sur cette matière aux milles visages, mystérieuse et fascinante, qu’est le cuir.
Fabrication du cuir: de l’élevage à la tannerie
En amont de la tannerie (qui va transformer la peau en cuir) il y a plusieurs secteurs économiques qui sont des acteurs de ce qu’on appelle la « filière cuir ».
Leur influence est grande sur la qualité et la disponibilité de la matière première.
Note: tout ce qui va suivre n’est pas forcément vrai pour les peaux dites exotiques: alligator, python, galuchat, etc.
L’élevage
Dans le cas des cuirs courants (veau, chèvre, agneau, vachette, etc.) les peaux, dans leur très grande majorité, proviennent d’animaux d’élevage.
Bien entendu ces animaux ne sont pas élevés pour leur peau (contrairement à certains reptiles) mais pour satisfaire les besoins des consommateurs en viande, lait ou laine.
Cette étape de la fabrication du cuir est primordiale car les conditions d’élevage ont un impact direct sur la qualité du produit final !
Vous n’aimez pas acheter de la viande/des œufs d’animaux qui ont été élevés en batterie, mal entretenus, nourris avec des farines à la composition douteuse, parfois mal traités, etc.
Car, au-delà des cas de conscience pour certains, on est tous d’accord pour dire que cela à une influence sur la qualité du produit.
Et bien pour la peau de l’animal c’est la même chose !
Pardonnez moi l’expression mais un animal qui n’a que la peau sur les os (comme on peut en voir dans certains pays) ne pourra pas donner un beau cuir.
Alors qu’un animal, bien en chair, soigné et choyé donnera, à la fois, une très bonne viande et une peau de qualité !
Prenez l’exemple des parasites: un animal qui n’est pas soigné/vacciné risque de se blesser, de se faire piquer et on retrouvera alors sur sa peau des cicatrices qui nuiront à la qualité du cuir fabriqué avec sa peau.
Le nerf de la guerre c’est l’argent et le profit.
Vous qui me lisez et qui avez un animal de compagnie, vous êtes bien placés pour savoir que le prix d’une consultation – ou pire d’un traitement – chez le vétérinaire coûte les yeux de la tête !
Vous imaginez alors les coûts que cela peut représenter sur un troupeau…
Et donc les économies potentielles : à quoi bon soigner de animaux qui vont à l’abattoir ?
L’abattoir
Ici, plus que la qualité du cuir – encore que vu les pratiques de certains abattoirs qui font vivre à l’animal un stress énorme qui a forcément des répercutions – il est question du prix.
Plus la demande de viande est forte et plus il y a des peaux disponibles pour fabriquer du cuir donc plus les prix seront en baisses (et vice versa).
On pourrait presque considérer que le cuir est une industrie du recyclage des déchets de l’industrie de la viande.
Le négociant en peaux brutes intervient très rapidement auprès des abattoirs car les peaux sont des produits humides (3/4 du poids d’une peau est constitué d’eau) et extrêmement putrescibles.
Si elles sont laissées ainsi les peaux se dégradent en quelques heures.
Il faut rapidement les déshydrater afin d’arrêter le développement des bactéries et microbes qui dégradent la peau.
Il existe plusieurs méthodes:
- salage (c’est la plus utilisée car plus simple et économique)
- séchage
- conservation par le froid
- congélation
- etc.
Le négociant va alors peser et trier les peaux salées (dites peaux brutes) par lots le plus homogène possible en qualité et en poids.
Cette opération est très importante car c’est elle qui permet au tanneur de proposer des lots de cuirs finis les plus homogènes possibles.
C’est alors que le tanneur achète les lots en fonction de son type de fabrication et des exigences de sa clientèle en cuirs finis.
Son expérience va lui permettre de reconnaître les peaux qui lui permettront de proposer un cuir de qualité ou une vilaine croûte de cuir si c’est ce qu’il cherche à faire…
C’est un choix très important qui, là encore, va conditionner la qualité finale du cuir.
Si je vous dis que l’achat des peaux brutes représentent 40 à 50% du prix du cuir fini, vous comprenez encore plus facilement que ce qui se passe avant le tannage est très important pour la qualité du cuir, non?
Avant même que le tanneur, et son savoir-faire, entrent en jeu il y a déjà des différences de qualité.
C’est pourquoi, pour les cuirs utilisés dans la fabrication de nos chaussures, nous privilégions des tanneries françaises comme Degermann ou celle du Puy car les peaux utilisées proviennent de veaux français élevés dans des bonnes conditions qui permettent d’obtenir les meilleurs cuirs !
La Tannerie
En général les tanneries sont spécialisées dans un type de peau (agneau, veau, cheval, etc.). C’est d’ailleurs de cette spécialisation qui donne le nom de tannerie ou de mégisserie.
C’est comme au restaurant : vous êtes sceptique quand, sur la même carte, on vous propose une fondue savoyarde et un cassoulet ?
Et bien pour les tanneries c’est la même chose !
Par ailleurs l’industrie du cuir utilise des produits qui peuvent être très toxiques pour l’environnement et l’Homme.
En travaillant avec des tanneries françaises, soumises à une législation très contraignante sur le sujet, nous nous assurons que la fabrication du cuir utilisé pour la confection de nos souliersrespecte l’environnement.
Ce n’est pas sans incidence sur les coûts vu les investissements que les tanneries doivent réaliser pour respecter ces normes.
Lorsque vous voyez les ravages environnementaux en Inde ou au Maroc par exemple vous comprenez pourquoi, en plus de la qualité, il est conseillé d’acheter des chaussures fabriquées avec des cuirs français.
Vous vous faîtes plaisir et en plus vous préservez la planète.
Transformation de la peau en cuir
Après sélection, le tanneur revient donc avec ses lots de peaux salées.
Commence alors un long (enfin plus au moins long selon les tanneries) processus de transformation de la peau en cuir.
La fabrication du cuir commence !
Il a à sa disposition une large palette de techniques et procédés qui vont lui permettre d’obtenir des cuirs finis très différents.
C’est un art qui s’appuie sur un savoir-faire de longue date associé à des techniques modernes.
C’est le tanneurs qui donnera ses caractéristiques au cuir:
- souplesse
- fermeté
- épaisseur
- odeur
- couleur
- toucher
- etc…
La durée moyenne totale pour transformer une peau en cuir est de 4 à 5 semaines.
C’est une MOYENNE!
Certains font cela beaucoup plus rapidement, d’autres plus lentement… avec les résultats que vous pouvez imaginer selon les cas…
Il faut savoir qu’un cuir de veau n’est pas naturellement souple.
Bon oui il l’est forcément plus que celui du buffle je vous l’accorde.
Mais, c’est le tanneur qui donne ses caractéristiques au cuir en fonction des procédés de transformation utilisés.
Bien-sûr il s’appuie sur la structure spécifique des peaux choisies – en général l’idée qu’on se fait de l’animal nous donne de bonnes indications sur les caractéristiques de sa peau – pour en tirer le meilleur et ainsi obtenir des cuirs répondants aux exigences de ses clients et de l’usage qu’ils en auront.
On a donc vu qu’en fonction de la peau utilisée (une peau d’alligator et celle d’un agneau ne réagissent forcément pas de la même façon) mais également du résultat souhaité, les techniques et procédés ne sont pas les mêmes.
Il est pourtant possible de découper la fabrication du cuir en 4 grandes phases indispensables:
- Le travail de rivière: nettoyage de la peau.
- Le tannage : transformer un matériau putrescible (la peau) en un matériau imputrescible (le cuir).
- Le corroyage : donner aux cuirs les propriétés souhaitées (solidité, souplesse, etc…) et une couleur de base.
- Le finissage : donner son aspect final au cuir (couleur, relief, brillance, etc.) et ses propriétés de surface (protection, etc…).
À l’exception des phases de travail mécanique, de triage et de finissage – qui sont réalisées à sec – toutes les autres se déroulent dans des cuves remplies, entres autres choses, d’eau!
Si malgré tout vous pensez toujours que eau et cuir ne font pas bon ménage je vous invite à lire mon article sur les 10 erreurs à éviter lors de l’entretien de vos chaussures.
Bien évidemment, comme depuis le début, le savoir-faire et les conditions de travail de la tannerie vont conditionner la qualité du cuir.
Plongeons-nous dans le détail (dans le cas précis des peaux de bovins) pour voir ce que le tanneur fait concrètement et comment il influe sur la qualité du cuir !
Le travail de rivière
Le tanneur commence à travailler des peaux salées mais surtout très sales !
On a dépecé un animal puis salé sa peau.
Vous imaginez la tête de ce que le tanneur récupère.
Il faut être sacrément imaginatif pour visualiser le magnifique cuir que l’on va obtenir non?
Il faut donc commencer par les nettoyer afin de retirer toutes les parties inutiles:
- l’épiderme
- les poils
- les protéines solubles
- les tissus sous-cutanés.
Ainsi on ne garde que le derme (fleur + chair) de la peau.
C’est également à cette étape qu’on réhydrate la peau pour lui redonner sa souplesse.
Par ordre chronologique il y a d’abord la trempe (ou reverdissage).
Pendant cette étape on va redonner à la peau un taux d’hydratation proche de celui de l’état frais.
Elle est aussi dessalée et débarrassée des souillures et parties organiques solubles (de beaux mots pour parler du sang, des morceaux de chair et de la graisse).
On utilise, pour cette étape, entre 300 et 500% du poids des peaux en eau.
On y ajoute un antiseptique pour éviter la putréfaction de la peau.
La grande quantité d’eau sert aussi à éviter la dégradation de la fleur et des fibres de la peau dans la cuve.
Viens ensuite l’épilage et pelanage.
Grâce à des produits chimiques qui détruisent la kératine (protéine spécifique du poil) on va faciliter l’élimination de l’épiderme et des poils.
Le pelanage consiste à dégrader légèrement les fibres afin de rendre la peau plus réactive aux agents tannant qu’on lui appliquera ensuite.
C’est ici que se joue, en partie, la souplesse du cuir: plus on dégrade les fibres de la peau, plus le cuirsera souple.
C’est ensuite l’écharnage de la peau. Cette opération sert à éliminer les tissus sous-cutanés à l’aide d’une machine appelée… écharneuse !
Nous avons donc une peau dont il nous reste le derme qui sera transformé en cuir.
Pour les amoureux de la chimie vous pouvez creuser les étapes de déchaulage, confitage et picklage qui servent à éliminer les agents basiques (la peau est très alcaline) afin d’éviter des réactions lors du tannage qui se déroule en milieu acide.
Je ne les détaille pas ici car elles ont une influence minime sur le produit final (mais elles sont néanmoins indispensables) … et je vais me retrouver avec un roman plus qu’un article !
Le tannage
Débarrassée des poils et autres résidus, notre peau est prête à être transformée en cuir.
On commence alors le tannage.
Cela consiste à fixer des agents chimiques dans la peau pour la transformer en cuir.
On transforme donc une peau, très hydratée et putrescible en cuir qui est peu hydraté, imputrescible et résistant.
Ce n’est une découverte pour personne il y a plusieurs sortes d’agents tannant:
- Le chrome
- Les tannins végétaux
- Les tannins synthétiques
C’est donc selon l’agent tannant utilisé que l’on va parler de tannage au chrome ou de tannage végétal.
Mais concrètement quelles sont les différences entre les deux procédés? Vous vous le demandez?
Ça tombe bien c’est ce qui vient ensuite !
Le tannage au chrome
C’est la méthode la plus utilisée au monde.
Plus de 80% des cuirs sont tannés ainsi.
Elle a de nombreux « avantages »:
- rapide (24h max)
- simple
- polyvalente
- moins chère que les autres
C’est avec ce procédé qu’on obtient le fameux wet-blue (le cuir gris-bleuté).
Dans les tanneries qui respectent les normes françaises et européennes ce type de tannage à un impact très limité sur l’environnement.
Dans les autres cas par contre…
Elle consiste à dissoudre du sulfate de chrome dans de l’eau puis à le faire pénétrer dans la peau sous agitation dans un foulon (une cuve rotative).
On vient ensuite neutraliser l’acidité du bain avec du bicarbonate de soude qui va fixer les sels basiques de chrome sur les fibres de la peau en formant des liaisons tenaces qui vont permettre d’obtenir des cuirs très résistants.
Note: comme vous avec votre machine à laver, certaines tanneries surchargent les foulons (pour plus de rendement) avec peu de produits ce qui leur permet de réduire les coûts avec les conséquences que vous imaginez sur la qualité du cuir.
Votre linge est-il impeccable quand vous le sortez d’une machine surchargée?
Le tannage végétal
En fait c’est une version améliorée des formes les plus anciennes de fabrication du cuir.
Au niveau mondial les cuirs tannés de cette façon représentent environ 10% de la production.
Les agents tannant se présentent sous la forme de poudres concentrées (issues, selon les végétaux, de leurs feuilles, de leur écorce, de leurs racines, etc…) qui sont améliorées chimiquement afin de les rendre plus solubles et réactives.
Plus compliqué à mettre en œuvre que le tannage au chrome, le tannage végétal est plus long et donc… plus coûteux (c’est toujours la même histoire) !
Dans le cas particulier des chaussures on utilise beaucoup les cuirs à tannage végétal pour les semelles (enfin certaines marques les utilisent beaucoup).
C’est un procédé très long qui va consister à faire passer le cuir dans 5 à 8 cuves différentes (contenant des solutions de tanins de plus en plus concentrées).
Il passe au minimum entre 14 et 30 jours dans chaque cuve.
La fabrication du cuir prend donc au minimum de 3 à 8 mois et jusqu’à 12/18 mois pour un tannage extra-lent.
Ce sont les deux types de tannage les plus connus et les plus utilisés.
Note : nous avons consacré un article complet au cuir végétal si le sujet vous intéresse je vous invite à le lire.
Mais il en existe d’autres (tannage à l’aluminium, au zirconium ou synthétiques) qui permettent d’obtenir des cuirs très spécifiques ou qui ont été développés afin d’améliorer les procédés actuels mais qui restent moins bien maîtrisés, beaucoup plus coûteux et donc très peu répandus.
Le corroyage
Nous avons transformé notre peau en cuir – et vous devez avoir fini votre steak depuis bien longtemps.
Mais nous n’avons pas encore un produit qui va pouvoir être utilisé pour la confection d’objet en cuir.
Il n’a pas encore les caractéristiques nécessaires pour cela.
C’est le but de cette étape.
En réalité il ne s’agit pas d’une unique manipulation mais de la succession de plusieurs qui vont permettre d’arriver au résultat souhaité par le tanneur.
Tout d’abord il y a l’essorage. Notre cuir fraîchement tanné est chargé d’eau et il va passer dans une machine à cylindres recouverts de feutre qui, avec une forte pression vont permettre de faire baisser la teneur en eau du cuir.
Viens ensuite le triage.
C’est une opération stratégique.
Le tanneur va juger chaque peau selon plusieurs critères (éventuels défauts apparents et leurs emplacements, épaisseur, taille, etc…) afin de constituer des lots homogènes.
La conséquence de ce classement est que lorsque vous achetez du cuir vous avez plusieurs choix (de 1 jusqu’à 10 selon les tanneries) qui représentent la qualité des lots de peaux.
Note: il n’y a pas de classement absolu. Selon son positionnement commercial un tanneur pourra juger un défaut comme déclassant alors qu’un autre non. Je vous laisse, vu les clients qu’elles ont, deviner comment les peaux sont jugées dans les tanneries du Puy et Degermann d’où proviennent nos cuirs.
Pour certaines tanneries il faut ensuite refendre les peaux.
D’un côté une feuille contenant la fleur, de l’autre la croûte.
Deux fois plus de matières à vendre avec la même quantité de peaux.
C’est forcément intéressant non?
Après, en terme de qualité, ce n’est pas ce que tout le monde recherche.
La peau est alors neutralisée dans un foulon avant de supprimer toute l’acidité résiduelle et faciliter la pénétration des produits chimiques (oui c’est très chimique le cuir… mais en même temps vous vous attendiez à quoi pour passer d’une peau d’un animal à un produit de luxe?) des opérations suivantes.
Avant d’être teinté, le cuir est, dans certaines tanneries, retanné (oui oui) cela permet d’homogénéiser ses caractéristiques au sein d’un même lot et de le préparer à la teinture.
On influe donc sur le prêtant de la peau, la finesse de la fleur et la fermeté.
Je ne vous refait pas mon blabla sur l’argent, le temps etc… vous devez avoir compris depuis… le temps…
C’est ensuite l’étape appelée la nourriture.
Pour donner de la souplesse au cuir on va lui faire absorber des matières grasses (de l’huile de poisson en général).
Pour les cuirs à chaussures on va retrouver 4 à 8% du poids du cuir en matières grasses.
On réalise cette étape juste après la teinture, souvent dans le même foulon.
Note: en ajoutant plus de matières grasses (20 à 30% du poids du cuir) on va pouvoir imperméabiliser ce dernier. On parle alors de cuir gras parfaitement adapté pour la confection de chaussures de montagnes…
Le cuir est ensuite, à nouveau, essoré puis étiré afin d’atténuer les rides et les plis.
C’est l’heure du séchage.
Une étape très importante pour la qualité finale du cuir.
C’est un savant dosage que doit réaliser le tanneur: pas trop rapide pour ne pas détériorer le cuir mais pas trop lent non plus sinon la tannerie aurait des problèmes de rentabilité!
C’est ainsi qu’il choisit le procédé le plus adapté parmi ceux à sa disposition: séchage suspendu, sous vide, sur cadre ou sur glace.
Après séchage les cuirs peuvent être légèrement raides.
On va donc les ré humidifier légèrement et les étirer afin de leur rendre toute leur souplesse.
Voila !
Nous sommes passés d’une peau brute provenant d’un animal à une magnifique (plus ou mois selon les cas) peau de cuir.
Mais vous avez déjà remarqué qu’il y a des cuirs avec un aspect velouté, d’autres très brillants ou d’autres encore avec un grain non ?
C’est l’objet de la dernière partie !
Note: tout à l’heure je vous ai parlé de votre machine à laver que vous surchargez pour éviter d’avoir à en faire deux…il a aussi pu vous arriver d’économiser sur la lessive vu le prix que ça coûte, non?
Et bien certaines tanneries font la même chose.
Les produits utilisés coûtent très cher et elles n’en mettent pas suffisamment (économies, rentabilité, blablabla…toujours le même refrain) à tel point que le cuir n’est teinté qu’en surface et pas en profondeur.
On peut alors voir, sur la tranche, la couche du milieu qui est toujours gris bleuté.
C’est la que le vice est poussé très loin: certains vont jusqu’à peindre la tranche de la peau ou mieux font un petit repli cousu pour que ça ne se voit pas !
Le finissage
Nous nous retrouvons donc avec un cuir qui a toutes les propriétés que le tanneur veut: souplesse, épaisseur, etc.
Pourtant le cuir n’est pas utilisable dans cet état pour la simple raison qu’il n’est pas forcément beau mais il est surtout très fragile.
Le tanneur va donc plus ou moins améliorer l’esthétique de la peau.
Le plus ou moins dépend de la qualité de départ de la peau.
Vous comprenez pourquoi, bien avant le début du travail du tanneur, il est très important de connaître l’origine des peaux et donc les conditions d’élevage.
Avant de le protéger le tanneur va plus ou moins corriger la peau.
En fonction de l’aspect de la surface (aucun défaut ou présence de défauts) il va poncer (ou non) le cuir.
Les peaux les plus belles ne sont pas corrigées et on parle alors de cuir pleine fleur.
Un cuir pleine fleur sans finition permettra de réaliser de belles patines sur vos chaussures.
C’est la rolls des cuirs, l’épaisseur de la peau n’est pas modifiée et on aura alors un cuir de très haute qualité…
C’est celui-là que nous utilisons sur tous nos souliers.
Ensuite plus il y a des défauts plus on va poncer le cuir pour obtenir une surface présentable.
On réduit donc l’épaisseur de la peau et on la rend plus fragile.
Sur une peau présentant peu de défauts le ponçage sera léger et on obtiendra un cuir qu’on appelle fleur-corrigée.
Si la peau est vraiment de très mauvaise qualité on va alors la poncer profondément et obtenir ce qu’on appelle de la croûte de cuir (qui n’est techniquement plus du cuir et il est même interdit, par la loi, de l’appeler cuir).
Dans ce cas le finissage aura pour but de « garnir » la peau et d’imiter la fleur afin… de prendre pour des gogos les consommateurs que nous sommes !
Cependant il y a un seul cas ou le ponçage ne sert pas à camoufler une peau de mauvaise qualité: les cuirs veloutés que sont velours et nubuck.
Ce qu’on appelle communément Daim ou cuirs suédés sont en réalité des peaux qui ont été poncées pour leur donner cet aspect.
Dans le cas du nubuck, le ponçage, côté fleur, est très léger et ne permettra pas de masquer les éventuels défauts de la peau.
Donc, si vous êtes en présence d’un véritable nubuck c’est que vous avez devant vous un cuir de très bonne qualité.
On obtient un cuir avec un aspect peau de pêche et « des poils » très fin et ras.
Pour le velours le ponçage se fait côté chair (c’est ce qui fait la différence entre ces deux cuirs) et on utilise en général des peaux refendues.
Il est donc rare de trouver des velours pleine fleur. Il s’agit le plus souvent de croute velours.
Pour ces deux cuirs il n’y a pas de couche de protection.
Vous ne remarquez rien de particulier ?
On ponce une peau pour améliorer son aspect de surface (fleur corrigée voire croûte de cuir) mais on le ponce également pour obtenir un velours ou un nubuck qui sont réalisés sur des belles peaux juste pour obtenir un aspect velouté.
Comment faire la différence ?
Avec des fabricants peu regardants c’est encore plus compliqué car ils vont jusqu’à réaliser un ponçage fin de la croûte afin d’obtenir un aspect velouté proche du nubuck ou du velours.
Soyez vigilants !
Vous pouvez en général reconnaître une croûte velours car l’aspect est moins fin et ras qu’un nubuck…
Bref, revenons à notre peau.
Elle est maintenant prête à recevoir le finissage.
Si nous sommes en présence d’un cuir pleine fleur présentant très peu de défaut alors le tanneur va lui appliquer une finition dite pur aniline (c’est un abus de langage car le produit chimique aniline n’est plus utilisé à cause de sa toxicité).
Il s’agit donc d’une « très très » fine couche transparente qui va permettre de bien mettre en valeur l’aspect naturel et le toucher incomparable d’un cuir pleine fleur de très bonne qualité.
Si nous sommes en présence d’un cuir pleine fleur avec des défauts – mais que le tanneur n’a pas voulu corriger pour conserver l’appellation pleine fleur – d’une fleur corrigée ou d’une croûte on va réaliser une finition pigmentée.
On va appliquer une couche plus ou moins épaisse et couvrante selon l’importance des défauts à cacher. Le toucher n’est pas du tout le même qu’un cuir pleine fleur pur aniline.
On peut également réaliser une finition intermédiaire qu’on appellera alors semi-aniline (ou parfois juste aniline pour semer le doute dans la tête des gens).
Il est également possible (souvent avec des peaux de très bonne qualité) de ne pas appliquer de finition du tout.
On parle alors de cuir naturel.
Le toucher est totalement inimitable, très soyeux mais le cuir est très fragile et très sensible aux agressions extérieures (lumière, frottements, tâches, etc.)
Notre cuir est donc quasiment terminé…
À moins que l’on ait envie de lui donner un aspect particulier ou d’insister sur une caractéristique précise.
Dans ce cas on va avoir, en plus, un finissage mécanique.
C’est ainsi qu’on donne un grain plus marqué au cuir…. et ainsi fabriquer du cuir grainé
Sans trop rentrer dans les détails voici ce qu’on peut faire:
- Satinage / grainage: le cuir passe dans une presse chauffée avec des plaques lisses ou gravées afin de reproduire un motif (reproduction de l’aspect crocodile, galuchat, etc.) ou de l’aplanir.
- Foulonnage à sec: permet d’accentuer le grain naturel mais aussi d’assouplir le cuir.
- Lissage: permet d’obtenir une surface très lisse et brillante (par exemple des cuirs de type box)
- Liégeage: on plie le cuir fleur contre fleur afin de créer des fines rides en surface
C’est ainsi, après 4 à 5 semaines en général, que nous obtenons le cuir.
À la lecture de cet article on voit bien que les possibilités sont quasi infinies dans la fabrication du cuir.
La seule limite, ici aussi, est l’imagination du tanneur et de ses clients.
On remarque également qu’il est possible avec une peau de mauvaise qualité de fabriquer un cuir dont l’aspect – purement visuel – n’aura pas grand chose à envier à un cuir pleine fleur pur aniline ou naturel.
Une maison qui travaille avec de beaux cuirs sera transparente sur l’origine et le type de peaux utilisées car elles valorisent le produit.
Nous sommes très fiers, par exemple, de travailler avec les tanneries du Puy et Degermann dont les cuirs de veau sont parmi les plus réputés au monde.
Attention tout de même, afin de faire du chiffre, les tanneries réputées peuvent parfois proposer des lots de moins bonne qualité.
Si la provenance et le type de cuir ne sont pas clairement affichés alors il faut commencer à avoir des doutes car ça peut cacher quelque chose.
Si une marque n’a rien à se reprocher pourquoi cacher la provenance de ses cuirs?
Sans doute parce qu’ils ne sont pas de très bonne qualité ou fabriquer dans des conditions non respectueuses des hommes et de l’environnement (ce qui en général va de pair).
C’est alors que les choses se compliquent pour vous.
Mais je parle de tout cela plus en détail dans la seconde partie de ce dossier où je vous donne des pistes pour reconnaître un bon cuir.
Je terminerai cet article par un résumé des différentes appellations et caractéristiques des cuirs que vous pouvez croiser.
Fabrication du cuir : les 4 grandes familles
Cuir pleine fleur finition aniline
C’est un cuir réalisé sur une peau présentant très peu de défaut dont on a gardé toute l’épaisseur.
On lui a appliqué une finition transparente et de faible épaisseur afin de conserver l’aspect naturel du cuir.
Ce sont des très beaux cuirs, apprécié des connaisseurs et à l’aspect inimitable.
Cuir pleine fleur finition pigmentée
On a conservé toute l’épaisseur de la peau mais pour masquer les défauts on a appliqué une finition opaque plus ou moins épaisse.
On a un cuir bien protégé, plus facile à entretenir mais avec un aspect moins naturel.
Cuir fleur corrigée finition pigmentée
On a poncé la fleur du cuir pour améliorer son aspect puis on applique une couche opaque plus épaisse que le cuir précédent.
On perd encore un peu plus l’aspect et le toucher naturel.
Croûte finition pigmentée
Pn a donc poncé très profond (ou refendu le cuir) et on lui a appliqué une couche très épaisse et opaque pour garnir le cuir.
On a un aspect proche du cuir précédent mais il est en réalité peu résistant et se dégradera rapidement même s’il est bien entretenu.
C’est un produit bas de gamme.
Si vous ne devez retenir qu’une chose c’est qu’une chaussure de qualité doit être fabriquée avec un cuir pleine fleur de finition aniline ou naturel.
On ne peut pas tricher avec ce type de cuir: la peau présente très peu de défauts, elle n’a pas été poncée ni recouverte d’une épaisse couche opaque.
Suite de cet article en 2 parties: Partie 2 du dossier cuir
J’ai rédigé une check-list qui détaille les 10 points à contrôler, dans un pdf gratuit, pour reconnaître un cuir de qualité (qu’il soit végétal ou non).
Elle tient sur une page que vous pouvez télécharger ici. Comme ça vous pourrez vous assurer que la paire qui vous fait de l’œil est fabriquée avec un bon cuir de qualité.