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Dossier: bouts, perforations, toutes les décorations possibles (2/2)

Vous avez été passionné par la lecture de la partie 1 de ce dossier consacrée aux différents modèles de chaussures mais vous êtes resté sur votre faim ? Ça tombe bien! 

Dans cette seconde partie je vais vous parler des différentes « décorations » que vous pouvez trouver sur une paire de chaussures (bout, perforations, etc.). En combinant les deux articles vous verrez que vous serez en mesure de reconnaître 99% des chaussures que vous verrez!

Note : vous trouverez la première partie du dossier sur les bouts, perforations et décorations possible en cliquant ici.

Maintenant que les termes richelieu, derby, et autre one-cut n’ont plus de secret pour vous nous allons voir qu’il est possible, en partant de ces grandes familles, de réaliser des variations quasi-infini de chaussures. La seule limite étant votre imagination! 

Dans la première partie, les modèles présentés avaient des différences de conception / patronage: système de laçage, construction, etc. Ce dont je vais vous parler ici s’applique à tous les modèles présentés sans distinction.

Toutes les « décorations » possibles pour vos chaussures

Vous les voyez partout: des perforations, des bouts de couleurs différentes, des bouts avec de drôle de formes. C’est ce que j’appelle simplement des décorations.

Certaines d’entre elles vont jusqu’à donner leur nom à un modèle, comme nous allons le voir, mais au final elles peuvent s’appliquer sur tous les types de chaussures: richelieu, derby, mocassin, etc : ce ne sont pas des différences de fabrication comme on a pu le voir avant. Ce sont des choix purement esthétiques !

Voici donc les différentes variations que vous pourrez rencontrer. Il n’y a pas de règles particulières, vous pouvez les combiner comme bon vous semble. Attention toutefois au prix: ces ornementations sont très gourmandes en temps de main d’œuvre et donc chères à réaliser!

Tout savoir sur les différents bouts

Comme son nom l’indique nous nous intéressons à l’avant de vos chaussures. Comme c’est une partie qui n’est pas soumise aux contraintes de la marche,on peut facilement la décorer. 

Note C’est également, entre autre, sur le bout de vos chaussures que vous pouvez réaliser un glaçage comme nous vous l’expliquons dans notre guide d’entretien pour chaussures.

Chaussures

J’ai créé un PDF (gratuit bien sûr), que vous devriez télécharger car il vous sera utile au moment d’entretenir vos chaussures :

  • il vous explique pas à pas comment faire et quels produits utiliser
  • il tient sur une seule feuille pour que vous puissiez le survoler dans le feu de l’action
  • il est tout beau, vous pouvez l’imprimer et l’avoir à vos côtés au moment de vous lancer dans l’entretien de vos chaussures.

Au-delà du visuel, la présence d’un bout a tendance à couper la forme de la chaussure et donc à éviter d’avoir une chaussure trop effilée. Voici les différents bouts que vous pouvez trouver:

Bout uni

Ici pas de fioritures: l’avant de votre chaussure est d’une seule pièce et sans décoration. C’est par exemple le cas de certains modèles one-cut). C’est par exemple un bout uni que vous retrouvez sur notre Chukka

Bout droit / bout droit remplié / bout droit perforé

Dans ce cas nous allons ajouter une pièce de cuir pour former le bout.  Selon la finition à appliquer à cette pièce on peut se retrouver avec:

  • un bout droit lorsqu’elle est coupée « droite »
  • un bout remplié lorsque le bord de cette pièce est replié sur lui même

Le bout droit peut-être souligné d’une ligne de perforation (juste une ligne, pas un motif comme pour un bout fleuri) on parle alors de « bout droit perforé ». Logique non ?

Note: l’ajout d’une pièce de cuir pour créer un bout permet de jouer sur un contraste de matière. et / ou de couleurs.

Par exemple sur notre modèle Oxford vous retrouvez un bout droit perforé patiné à la main afin d’offrir un rappel de couleur avec le plastron:

bout golf

Comme pour le bout droit, on vient ajouter une pièce de cuir pour former le bout. Mais cette fois la forme est plus complexe et se prolonge vers l’arrière de la chaussure

Note: parfois un bout golf ne présente pas de « pointe », il est coupé droit et forme donc un U

 C’est par exemple un bout golf que nous avons décidé de mettre sur notre modèle Brogue:

Bout golf long wing

Nous sommes ici en présence d’un bout golf, sauf que ses branches font tout le tour de la chaussure et se rejoignent à l’arrière. 

Techniquement, sur nos work boots et sur nos long wing nous n’avons pas un bout golf long wing a proprement parler vu que nous avons ajouté des talonnettes. Les branches du bout ne se rejoignent pas à l’arrière. Nous avons donc, par abus de langage, appelé ça un bout golf long wing malgré tout. 

On vient donc de voir que pour faire un bout il faut ajouter une pièce de cuir. Dans certains cas, cela permet de jouer sur un contraste de matières et / ou de couleurs. On peut également se servir d’un bout pour simplement « casser » la forme; cela permet d’éviter d’obtenir une impression de « chaussures pointues ». 

Mais il n’est pas obligatoire d’ajouter une pièce de cuir au patronage de la chaussure. On peut très bien simuler un bout par: 

  • une couture qui pince le cuir
  • une ligne de perforations
  • une simple couture

Par exemple, sur notre modèle city boots nous avons simulé un bout par une simple couture: 

Bout fleuri

On vient décorer le bout avec un motif réalisé avec des perforations de différentes tailles. On peut « fleurir un bout », qu’il soit uni, droit, golf ou simulé! 

Note: comme pour la découpe (dont je vous parlais dans mon article sur comment fabriquer une paire de chaussures) un bout fleuri peut-être réalisé intégralement à la main avec des mèches ou par un outil que l’on vient presser sur le cuir. Réaliser à la main prend plus de temps et coûte donc plus cher mais développer un outil est coûteux donc là encore le choix est cornélien!

Pour nos modèles nous utilisons des bouts fleuris sur nos richelieu, long wing et work boot. Les perforations présentes sur le modèle brogue ne peuvent pas vraiment être considérées comme un bout fleuri car le motif est trop simple:

Après le bout il y a l’empeigne. Voici les différents styles que l’on peut trouver

L’empeigne – je pense que vous le savez depuis le temps! – est cette partie de la chaussure qui recouvre votre pied. Elle va du coup du pied jusqu’au au bout. Nous venons de voir qu’il est possible de lui ajouter des bouts divers et variés. A présent je vais vous parler d’une autre variante: le plateau (celui là même qu’on retrouve sur nos country boots).

le plateau à lac

Dans ce plateau l’empeigne est composée de deux pièces de cuir qui sont cousues bord à bord pour former le plateau. C’est une technique très compliquée et très coûteuse qui n’apporte pas de véritable plus à la fabrication. Elle est donc peu utilisée de nos jours. 
Note: la couture peut être réalisée chair contre chair ou fleur (pour l’empeigne) sur chair (pour le plateau). 

le plateau à lac pincé

Pour ce plateau l’empeigne est formée d’une seule pièce de cuir et nous allons venir créer le plateau par une couture qui pince le cuir. C’est ce type de plateau, précisément, que vous retrouvez sur notre modèle country boots.

le nez jointé

Je vous en parlais dans le cas d’un derby chasse. Le nez jointé est, dans la plupart des cas, un complément naturel du plateau. Pour réaliser un nez jointé on vient assembler, à l’aide d’une couture, l’avant de l’empeigne. 

Voila pour l’empeigne. Je termine cette catégorie par une rapide présentation des finitions que l’on peut retrouver à l’arrière des chaussures. 

A l’arrière, c’est là que se rejoignent les quartiers et qu’on « ferme la boucle ». Il y a deux façons principales de les réunir:

  • une couture verticale
  • l’utilisation d’une pièce de cuir qu’on appelle talonnette

Note: dans le cas des souliers sur-mesure certains bottiers fabriquent les quartiers dans une unique pièce de cuir pour qu’il n’y ait ni couture verticale ni talonnette (souvenez vous, c’est la phobie des coutures apparentes qu’imposent les règles de l’élégance masculine!) 

Le cas particulier des Brogues

Je suis sûr que ça n’a pas échappé à certains mais je n’ai, jusqu’à présent, pas parlé des modèles que l’on appelle brogues. Ce n’est pas un oubli de ma part mais c’est que le terme brogue ne désigne pas un modèle avec un système de laçage ou encore un bout particulier. Non, le terme brogue désigne un modèle de chaussures qu’on a décoré avec beaucoup de perforations. Comme ce n’est pas une différence de fabrication mais un choix esthétique il m’a paru plus judicieux de le mettre ici avec les autres décorations possibles. 
Note historique: le terme brogue était déjà utilisé par les écossais et les irlandais pour désigner une chaussure avec des perforations il y a des siècles. A l’époque les trous n’étaient pas que décoratif: ils servaient à faciliter l’évacuation de l’eau. Il n’y a pas si longtemps les brogues – dans toutes leurs variations – étaient considérées comme des chaussures « casual ». Ce n’est que très récemment que certains bottiers se les sont ré-appropriées dans des modèles plus élégants les uns que les autres.    

Selon la quantité et l’emplacement des perforations, votre paire de souliers sera « brogue complet », « Demi Brogue », « Quart Brogue » ou encore « Long Wing Brogue ». Bien que peu de personnes s’embêtent avec ce genre de détail et préfèrent la simple appellation Brogue, un peu de culture ne fait jamais de  mal, donc voici ce qui les différencie. Je vous rassure il n’y a pas besoin de compter les trous!

Brogue complet (ou Full Brogue en anglais)

Avant toute chose, pour qu’une paire de chaussures soit dites Full brogues il faut qu’elle ait un bout golf. C’est indispensable. Sans ça elle n’est pas Full Brogue (comment on l’appelle alors? vous le verrez plus bas).

Par ailleurs une paire full Brogue aura une tige composée de cinq pièces: quartier, garants, talonnette, claque et bout. Elle sera également celle qui a le plus de perforations.

Note: certains modèles, bien que présentant de nombreuses perforations, ne pourront pas être appelés « Full Brogue » car leur tige n’est pas composée des cinq pièces citées ci-dessus.

Demi Brogue (ou Half Brogue en anglais)

Un paire de demi Brogue est très proche d’une Full Brogue. En fait elles peuvent être quasiment identiques. La seule différence va être au niveau du bout utilisé: les demi Brogues auront un bout droit (au lieu du bout golf). Attention, techniquement, elles doivent (comme des Full Brogues), avoir une tige construite avec les cinq pièces indiquées plus haut. On remarquera qu’elles ont, en général, moins de perforations (mais ce n’est pas une règle). 

Quart Brogue (Quarter Brogue en anglais)

Dans ce cas la définition est plus floue et ne s’appuie pas sur une caractéristique précise de construction. On remarquera simplement que, dans ce cas, les souliers présentent moins de perforations et ont, dans une vaste majorité de cas, un bout droit (mais ce n’est pas une règle, un soulier Quart Brogue pourra être réalisé avec un bout golf mais je n’en connais tout simplement pas). 

Long Wing Brogue

Si vous avez bien suivi jusqu’ici, l’explication du pourquoi de ce nom devrait tomber sous le sens. Effectivement, dans ce cas, il s’agit du bout utilisé qui sera donc un bout golf long wing. Tout simplement.

Ainsi se termine cette présentation des modèles de chaussures dits Brogues. Cette appellation pourra être mélangée avec celle évoquée précédemment. Il n’est donc pas impossible que vous tombiez un jour sur un modèle de Brogues à boucles ou un derby brogue. Dans ces cas on précise rarement le type de Brogue car c’est une notion peu commune. Mais, vous, à présent, pourrez toujours tenter de briller en société avec ce que vous venez de lire… ou tout simplement vous endormir plus intelligent ce soir! 

Grâce à ce dossier en deux parties vous êtes maintenant capable de reconnaître 99% des chaussures que vous rencontrerez. Peut-être même que je vous ai fait découvrir certains modèles qui rejoindront un jour votre placard à chaussures, qui sait!

En cherchant bien vous arriverez bien à en trouver qui ne rentrent pas forcément dans les cases décrites car je n’ai pas voulu m’attarder sur des modèles ultra-spécifiques qu’on rencontre peu (spectator, ghillie, etc.).