C’est un peu comme une voiture.
Elle vous a attiré par les lignes de son châssis.
Vous avez été séduit par la qualité des matériaux utilisés.
Mais, une fois le capot ouvert, vous apercevez un moteur de tondeuse…
C’est tout de suite moins intéressant.
Et bien pour les chaussures c’est la même chose !
La majorité des fabricants communiquent (plus ou moins) sur :
- l’origine et le type des cuirs utilisés (le sujet est vaste donc la communication plus ou moins opaque)
- le montage utilisé pour la fabrication des chaussures.
Et c’est tout !
Pourtant il y a des pièces très importantes dont on ne parle jamais.
Et pour cause, personne, à part le fabricant, ne les voit.
Pas vu pas pris comme on dit.
Sauf que ces pièces c’est un peu comme le moteur dont je vous parlais plus haut.
Si elles ne sont pas à la hauteur alors vous risquez d’avoir de mauvaises surprises sur le long terme.
Surtout, comme personne ne les voit, c’est une source d’économie pour certains fabricants peu scrupuleux.
J’ai rédigé une version pdf gratuite du lexique sur les chaussures. Vous pouvez la télécharger ici pour l’emporter partout
Sommaire
Le cambrion : colonne vertébrale de vos chaussures
« Caché » entre la première de montage et la semelle d’usure il ne se voit pas à l’œil nu.
Mais, il est indispensable au niveau du vide de la cambrure (à l’arrière il y a le talon et à l’avant la semelle d’usure).
Cette partie étant très sollicitée lors de la marche, si on ne prend pas la peine de la consolider il y a de grands risques que la chaussure se « brise ».
Il est possible de le fabriquer dans de nombreuses matières et son montage n’est pas si évident qu’on peut le penser.
- Les matériaux utilisés
Le cambrion en plastique
Vous vous en doutez ce n’est pas le plus noble des matériaux utilisés.
Pourtant il est malheureusement de plus en plus fréquent.
Pourquoi ?
Il est simple à fabriquer et ne coûte presque rien.
Mais, vu que le but du cambrion est de solidifier l’ouvrage, vous comprenez tout de suite pourquoi le plastique n’est pas recommandé.
Certaines marquent avancent que l’utilisation d’un cambrion en plastique évite à vos chaussures de « sonner » à l’aéroport.
Avouez que ce n’est pas vraiment un point indispensable au moment d’acheter des chaussures, si ?
Le cambrion en cuir
C’est le plus noble, le plus durable… Et le plus coûteux !
Il n’est utilisé quasiment que par les bottiers (et pas tous) dans le cadre de chaussures sur mesure.
On le fabrique dans le même cuir que celui utilisé pour les semelles.
C’est donc un cuir très rigide (du croupon à tannage végétal) que le bottier prend la peine de retailler à la main.
Dans ce cas, l’artisan pourra donner une forme parfaitement adaptée au cambrion et prendre la peine de « rebattre » le cuir afin de tasser les fibres pour une plus grande résistance.
Dans les chaussures « prêt-à-chausser », certains fabricants utilisent des cambrions en cuir fabriqués de façon industrielle.
L’inconvénient, dans ce cas, c’est que le cuir est bien souvent de mauvaise qualité.
Le cambrion en bois
C’est sans doute le plus couramment utilisé par les fabricants de chaussures haut de gamme.
Il offre le meilleur compromis entre résistance et coût de fabrication.
Le cambrion en métal
Il est, normalement, à réserver pour les chaussures aux utilisations intensives ou les chaussures à haut talon.
Note: il existe des cambrions réalisés à partir de longs clous chauffés et martelés pour aplanir la tête
La rigidité du matériau permet à la pièce de parfaitement remplir son rôle.
Attention tout de même: certains fabricants remplacent le cambrion en métal par un simple bout de tôle, boîte de conserve, légèrement plié.
Vous imaginez bien que dans ce cas le rôle de maintien ne pourra pas être rempli.
Si un cambrion en plastique casse facilement, sachez que le bois ou le métal ne sont pas à l’abri.
La qualité du bois ou du métal utilisé est une des raisons, mais ce n’est pas la seule.
Cela nous amène au second point.
- Le montage du cambrion
Le cambrion vient donc se positionner entre la première de montage et la semelle d’usure.
Dans un ouvrage que je vous recommande, François Desprez écrit:
» Le cambrion doit prendre ou finit le garni en avançant légèrement sur celui-ci qui a été découpé en biseau.
Le cambrion sur le côté viendra en biseau jusqu’à 1cm environ de la largeur totale de la semelle »
C’est précis, sans doute pas très clair pour tout le monde, mais le but est simplement de vous montrer que le montage du cambrion ne se fait pas au hasard.
Le cambrion doit donc être fixé à la première de montage.
Vous imaginez bien qu’il y a plusieurs façons de faire et c’est pour cela qu’il peut être:
- Collé
- Cloué
- Fixé avec des semences en bois
- Collé + semences en bois
- Cloué + collé sur un second cambrion
Un cambrion simplement collé peut être bien réalisé si on respecte les temps de pose.
Mais si l’on va trop vite il risque de bouger.
Un cambrion qui bouge risque de se désaxer et donc de casser.
Note : vous avez déjà eu des chaussures qui « couinent » à chaque pas ? C’est souvent la faute d’un cambrion mal fixé.
Oui, même un cambrion en métal peut casser
Il est donc préférable qu’il soit cloué (assez rare) ou collé et bien maintenu avec des semences en bois.
Le cas du double cambrion se rencontre uniquement sur les chaussures sur-mesure (mais pas toutes).
Dans ce cas, on prend un cambrion en cuir assez fin sur lequel on vient fixer un cambrion en métal.
Cela peut paraître anodin de disserter sur une pièce qu’on ne voit même pas.
Pourtant, sachez qu’un mauvais maintien au niveau de la cambrure peut être la cause de nombreux problèmes orthopédiques.
La garniture : plaque, pâte ou pire ?
L’avant du cambrion va être recouvert par la garniture qui permet de présenter une surface bien plane pour accueillir la semelle d’usure.
Pour illustration, voici une coupe d’un montage Goodyear pour que vous visualisiez le positionnement de la garniture (appelée liège sur le schéma)
Vous ne verrez jamais la garniture.
Pourtant, comme pour le cambrion, il ne faut pas négliger son importance.
Son rôle est multiple:
- par sa souplesse et son élasticité, elle joue un rôle dans le confort des chaussures,
- elle doit être isotherme et calorifuge,
- elle doit être capable de prendre légèrement l’empreinte à l’avant du pied pour donner plus de confort (pas trop car un rempli trop mou ne sera pas confortable du tout).
Du côté des considérations techniques, une bonne garniture doit pouvoir plier sans rompre afin de coller au déroulé du pied lors de la marche.
Il faut en plus que toutes ces qualités soient remplies tout au long de la durée de vie de vos chaussures !
Enfin, comme pour le cambrion, une garniture trop rigide (ou trop souple) peut être une source de problèmes orthopédiques.
Les matériaux utilisés pour la garniture sont divers et variés, sans forcément tenir compte des contraintes ci-dessus :
- liège(plus ou moins épais)
- agglomérat de colle et de liège
- cuir
- croûte
- plastique ,
- salpa ( = cuir reconstitué)
- caoutchouc
- mousse
- etc.
Comme pour le cambrion la garniture la plus noble, celle qui remplit le mieux son rôle et qui durera de nombreuses années est en cuir.
Là aussi, c’est un cuir similaire à celui utilisé pour les semelles d’usure
Note: certains cordonniers lors d’un ressemelage récupèrent la semelle pour s’en servir de garniture.
Mais, malheureusement, à ma connaissance, plus aucun fabricant n’utilise du cuir pour le rempli des chaussures.
Croûte, plastique, caoutchouc et toutes les autres garnitures cités au-dessus sont à éviter autant que possible.
Le liège est le plus adapté pour subir et résister à toutes les contraintes que la garniture va subir.
Mais ce n’est ni la matière la moins coûteuse, ni la plus simple à mettre en place (surtout si vous utilisez de belles plaques de lièges de 3 ou 5mms d’épaisseur).
Il va falloir découper la plaque à la forme pour qu’elle vienne parfaitement se coller au mur de montage.
C’est donc du temps de travail et un coût au bout de la chaîne.
Afin de ne pas tomber dans les dérives qui consistent à utiliser de la simple mousse, les fabricants utilisent fréquemment une pâte qui est un agglomérat de liège et de colle plus facile à poser (vous étalez cela comme de la pâte à tartiner).
Comme pour le cambrion en plastique, l’utilisation de cette pâte est très répandue dans la fabrication de chaussures.
En revanche, vu sa texture, il est assez évident qu’elle ne possède pas les mêmes propriétés que le liège en plaque et qu’elle ne remplira pas aussi bien son rôle.
Bout dur et contrefort: les garants de la forme !
Là encore c’est la même histoire:
bout dur et contrefort peuvent être en cuir (toujours le même que le cuir à semelles) ou ils peuvent être synthétiques.
Les propriétés exceptionnelles du cuir sont un vrai atout.
Notamment en cas de choc par exemple.
Il reprendra mieux sa forme initiale qu’une matière synthétique.
Mais, au regard du prix de ces pièces si on les veut dans un cuir de qualité auquel s’ajoute le temps de travail pour les préparer vous comprendrez que dans ce cas, nous tolérons que bout dur et contrefort soient en synthétiques.
Dans tous les cas, il faut ABSOLUMENT que ces pièces soient présentes !
Elles sont les garantes de la bonne forme de vos chaussures et, sans elles, ces dernières risquent de s’effondrer comme un château de cartes !
Oui, j’exagère, mais c’est plus parlant.
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